Un tour en Israël, en mars, en bus, et en 36 rencontres

Où l’on verra comment à force de se compter, de se recompter, et de se rencontrer, et de s’écouter, et de se raconter, les participants à un voyage touristique sont devenus, en quelques jours, des frères et des sœurs.

Lecture de la Bible et vue mythique : le Mont du Temple depuis le Mont des Oliviers © Mazenod

 

 Par Sophie de Mazenod

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Il faut dire que ce n’était pas, au départ, n’importe quel voyage : un voyage en Israël, des participants protestants, avec Bible et recueils de cantiques dans les valises ou dans les sacs à dos, c’est déjà un programme particulier. C’était promis par l’organisme organisateur : la Terre Promise, une association spécialisée dans les voyages bibliques et évangéliques.
Au retour, cela a été un voyage fabuleux, dans une contrée fabuleuse, aux paysages fabuleux, sous des ciels fabuleux, à la poursuite de textes – la Bible -, de paroles – d’Évangiles -, qui n’ont rien de fables : cette terre avait tenu ses promesses. Nous l’avons vue de nos yeux, arpentée de nos pieds. En plus nous avons écouté les paroles…
Avant même le départ, nous avions tous, ou presque, en tête et dans l’esprit, une espérance de promesse non formalisée, vague, irrationnelle, un peu enfouie mais obstinée : nous allions, peut-être ? sûrement ? nous approcher de Dieu, de son fils Jésus-Christ, du Saint Esprit. Tellement fou qu’il n’était pas question d’en souffler mot. Un non-dit, un quant-à-soi qui, paradoxalement nous unissait déjà.

 

Des compagnons de voyage

 

Nous nous sommes assemblés la première fois, tôt un samedi matin du début du mois de mars, dans le grand hall d’Orly. Nous étions, entre inconnus pour les uns, entre connaissances pour d’autres, attendus par notre « encadrement spirituel », incarné par Jean-Luc Cremer, pasteur à l’Église protestante unie de France et président de la région Ouest, et par le pasteur Jean-Claude Chong, secrétaire général de La Terre Promise.
Très vite, entre portiques, guichets, portes d’embarquement, les deux pasteurs se sont mis à nous compter : nous étions 36. Trois fois douze : 36 personnes à envisager, 36 noms à mémoriser, 36 compagnons avec qui rompre la glace et le pain.
À l’arrivée en Israël, nous étions deux de plus, avec notre guide juif Benny, spécialiste de l’histoire des religions, et notre chauffeur cisjordanien Aouel, agile comme une chèvre dans les lacets de montagne. Dans le bus, la nuit tombée, on essayait de déchiffrer les paysages et les visages. Et d’imaginer le programme du lendemain.

 

Où notre guide Benny, casquette bleue et de dos, découvre qu’il n’y a non pas deux, mais cinq pasteurs dans le groupe ! © Sophie de Mazenod

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On a vite pris l’habitude de se faire compter et recompter à chaque descente du bus et surtout à chaque remontée. Le chiffre 36 est devenu le nombre rassurant. Très vite au fil du temps, on s’est mis à se compter entre nous. Il faut dire que le deuxième soir, une veillée de présentations nous a permis de mieux nous reconnaître. Si le noyau central était constitué de protestants de la région Ouest, bon nombre venaient aussi du Sud-Ouest, quelques-uns de Centre-Alpes-Rhône ou de Région parisienne ou de Nord-Normandie (nous !). Tous très engagés dans l’Église dans des fonctions très diverses. Dont trois pasteurs, en plus des deux tout de suite identifiables.

 

Des amis qui comptent

 » Le Groupe  » s’étire entre deux falaises de calcaire blanc dans le parc national de Tel Ovdat, au nord du désert du Negev © Sophie de Mazenod

 

On a vite pris l’habitude, après la montée dans le bus et le compte du matin, d’écouter la Bible, puis la méditation, à prier, à chanter. Nous étions en train de former une paroisse sur roues, une Église sur les routes qui nous menaient sur une grande boucle dans tout le pays. Les monts de Judée, les monts de Jérusalem, surprise, sont comme on se les imagine, abrupts, proches, familiers, couronnés de bourgs perchés, indifféremment anciens ou modernes. Alors quand on chante « Quant les montagnes s’éloigneraient, quand les collines chancelleraient… », on est dedans.
Nous avons tout eu, tous les temps du petit printemps sur ces décors splendides, verdoyants ou désertiques : le froid, la pluie, le soleil, le vent, la chaleur, la sécheresse désertique, les spectacles de nuages et même l’orage. Comme un voyage dans la Genèse. Et encore en chantant : « Nous avons vu les pas de notre Dieu ».
Nous avons aussi vite appris à savoir où nous chercher lorsqu’il manquait un des 36 : qui s’attarde à photographier les oiseaux, ou à herboriser, à compter les dromadaires ou à repérer les toilettes, ou à filmer les curiosités géologiques, à méditer sur les vieilles pierres, à parler aux chats, à aller chercher des fruits aux étals. Les visites aux commerces étaient strictement limitées, Benny avait prévenu que l’intensité de nos visites était à ce prix. Cela nous obligeait à rester groupés. Donc à faire cohésion.
Et bientôt, Benny s’est mis à nous appeler « Le Groupe », avec des majuscules dans la voix.

 

Des frères et sœurs, un Groupe

 

« Allons-y le Groupe… » : nous y allions, et nous commencions à partager nos espérances secrètes de rencontres avec Jésus.
D’ailleurs, la promesse avait été rappelée dans la lecture biblique de notre premier matin : « Il vous précède en Gallilée : c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit. » Facile et pas facile. Pas facile, surtout à Jérusalem, puis en Galilée, car tous les lieux bibliques sont occupés par des constructions religieuses, souvent très belles ou innovantes, mais occultantes, encombrantes pour la Parole. Plus facile, parce que les conditions sanitaires qui ont compliqué nos formalités, nous ont aussi offert des lieux en partie désertés par les touristes. Facile, car dans chaque lieu, le pasteur ouvre la Bible, lit et c’est là.
Facile et difficile au point culminant, lorsqu’on partage la Sainte Cène au jardin de la Tombe, et qu’on chante « À toi la Gloire » juste à côté du « tombeau vaincu ».
« Dieu a choisi les choses folles du monde » dit Paul (méditation du bus jeudi) : alors, allons-y le Groupe !

Nous nous sommes quittés au soir du samedi d’après, tard, un peu hagards, sans véritable au revoir, occupés à récupérer notre bagage sur les tapis de l’arrivée.
Depuis nous échangeons : des photos, des textes, des informations. Nous n’étions plus un assemblement, nous n’étions même plus un groupe. Nous étions des frères, des sœurs. Une sorte de paroisse sur roues. Une sorte d’Église sur la route. Et la route ne s’arrête pas là.

 


 

Regard d’une autre participante

 

Par Françoise Giffard 

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Nous nous sommes retrouvés du 5 au 12 mars à 36 voyageurs, essentiellement issus de notre région, mais pas que. 36 personnes qui se connaissaient peu, venues chacune avec ses attentes secrètes, ses peurs de ne pas retrouver les lieux imaginés lors des lectures de l’Évangile, ou son attente joyeuse de marcher là où Jésus avait lui-même marché, en Judée, en Galilée, à Jérusalem.

 

La première bonne surprise du voyage a été la facilité avec laquelle une véritable ambiance de groupe s’est formée, avec des partages interpersonnels très riches et profonds.
La deuxième surprise a été de découvrir la diversité des paysages dans un si petit pays : le désert du Neguev au sud, si aride, avec la balade magnifique pour y découvrir une source et la découverte impressionnante de la forteresse haut perchée de Massada ; les monts de Judée, escarpés et caillouteux, comme on se les représente bien ; et la Galilée verte avec des températures étonnement basses, contrastant avec les images des films qui montrent un Jésus en sandales marchant au désert.

 

Et puis d’autres étonnements, ressentis par les uns ou les autres :

  • La ville de Capharnaüm du temps de Jésus, non pas faite de murs ocres mais noirs, car construits avec des pierres basaltiques.
  • L’existence d’une rigole devant le tombeau du jardin de la tombe, pour pouvoir rouler la pierre qui le fermait.
  • La concentration à Jérusalem des Juifs orthodoxes avec les hommes et leurs chapeaux noirs et les femmes tête couverte, jupe longue et gros collants
  • Le bain original dans la mer Morte, avec la pasteure Édina Pulaï lisant la Bible.
  • Le lac de Tibériade bien agité par le vent.
  • Les interprétations bibliques plus qu’étonnantes de notre guide juif qui gommaient les faiblesses du grand roi David.

 

Nous avons aussi vécu des moments de grâce, comme le calme du jardin des Oliviers et la vue émouvante de Jérusalem, ou ce culte très recueilli dans le jardin de la tombe, le pincement au cœur au mémorial Yad Vashem, la prière intense en touchant le mur des Lamentations, le chant magnifique spontané d’un groupe de jeunes hommes africains devant le lac de Tibériade, au sortir de l’église des Béatitudes.

En tout cas c’est sûr, nous aurons de nouvelles images quand nous lirons à nouveau certains textes qui nous sont devenus plus proches.

 

Caphernaüm © Françoise Giffard kldjfjsfljdlfdlkfjlsdfjqs

La rigole devant le tombeau du jardin de la tombe © Françoise Giffard

Juifs orthodoxes devant le mur des Lamentations © Xavier de Mazenod

 

Édina PulaÏ sur la mer Morte © Françoise Giffard

Le lac de Tibériade © Françoise Giffard cb,bw,bcw,xncb,nxwcb

Lecture de la Bible : tous embarqués sur le lac de Tibériade © Sophie de Mazenod

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