Petite Solange

Cinéma

Un film d’Axelle Ropert. Sortie le 2 février 2022, 1h25.

Prix Jean Vigo 2021, ce 4e film confirme le goût de la réalisatrice pour les ressources mélodramatiques que recèle la vie familiale. Il s’agit ici du beau parcours initiatique d’une toute jeune fille à l’épreuve de la séparation parentale.

Solange Maserati – Jade Springer, une chance pour le film – a 14 ans et vit à Nantes. C’est une adolescente extravertie et hypersensible, pleine de vie, de curiosité, et d’amour pour sa famille. Le film s’ouvre sur une scène détendue de bonheur partagé, la fête-anniversaire des 20 ans de mariage de ses parents : Antoine (Philippe Katerine), un marchand d’instruments de musique à la paternité démonstrative, et Aurélia (Léa Drucker), une actrice complètement absorbée par son métier.

Peu après, surprenant une vive dispute entre eux, Solange pressent la menace d’un divorce. Tandis que ce risque grandit et qu’elle voit son monde se fissurer, son frère Romain, 21 ans, choisit pour sa part de partir poursuivre ses études en Espagne, laissant sa sœur encore plus seule.

Imaginant pouvoir leur cacher le fossé qui s’approfondit entre eux, les parents s’enferment dans leur monde et, dès lors, la tendre Solange va souffrir de ce naufrage familial – décrochage scolaire, refuge auprès d’une amie de cœur – mais réagir aussi, sevrée brutalement de l’innocence de son enfance. Elle ne se sent plus protégée par ses parents et tire les conséquences de ce catapultage trop précoce parmi les adultes.

Ce qui fait toute la richesse du film – un bijou de finesse, de pudeur, d’intelligence, de sensibilité dans l’approche des sentiments de Solange, qui redoute puis subit l’écroulement du bonheur familial avant de se reconstruire – est ici que le divorce est raconté du point de vue de l’enfant, ce qui a été peu montré au cinéma. Ce mélodrame très dépouillé est d’une incroyable justesse, tant dans ses dialogues, succincts au point d’être lacunaires… comme la communication au sein de la famille, que dans son interprétation, distante de tout pathos. La réalisatrice choisit de ne jamais filmer directement de dispute entre les parents, la violence ressentie par Solange émanant d’images et de sons d’autant plus présents que tenus à distance.

Jean-Michel Zucker

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