Les intranquilles

CINÉMA

Cette critique a été aimablement fournie par notre partenaire, l’association Pro-Fil.

Réalisation : Joachim Lafosse
Belgique, France, Luxembourg, 2021, 118min.

Biographie

Joachim Lafosse est un réalisateur et scénariste belge né en 1975. Il est diplômé de l’Institut des arts de diffusion en 2001. Il se spécialise dans l’étude des drames familiaux, en 2004 avec un premier long métrage, puis Nue propriété, (Mostra de Venise 2006), Folie privée (2007), À perdre la raison (2012) et L’économie du couple (Festival de Cannes 2016, Quinzaine des Réalisateurs). Les intranquilles a été présenté en sélection officielle à Cannes 2021.

Résumé

Leila et Damien s’aiment profondément. Damien est peintre et atteint de bipolarité. Malgré sa fragilité, il tente de poursuivre sa vie avec elle au risque d’user de la patience et de l’amour de Leila.

Analyse

Joachim Lafosse continue dans ce film son autopsie du couple, que ce soit l’éclatement de la famille (Nue propriété ou L’Économie du couple), ou sa lente destruction (À perdre la raison). C’est ce sillon qu’il creuse dans cette histoire d’amour minée cette fois-ci par la maladie mentale, la psychose maniacodépressive, ou ce que l’on nomme plus couramment la bipolarité. Un mal sournois, insidieux et terriblement efficace pour déliter lentement le couple pourtant aimant que forment Damien et Leila. Le réalisateur sait de quoi il parle car son père, photographe, a été bipolaire. D’où de grands accents de vérité dans un film sobre et direct, qui décrit moins la maladie, même si elle est omniprésente, que ses conséquences sur l’amour du couple. Le film commence pourtant par une scène très apaisée. C’est l‘été ; sur une crique déserte Leila s’est endormie sur le sable. Au large son mari et son fils nagent près d’un bateau. Sur le chemin du retour, Damien décide de quitter le bateau pour rejoindre le rivage à la nage et confie à son fils de 8 ans la responsabilité de ramener seul le bateau. L’inquiétude s’installe qui ne nous quittera pas tout le film durant.

Damien, que l’on voit surtout dans ses périodes délirantes, refuse de se soigner car il a l’impression que cette suractivité l’aide dans sa création. Il est fantasque, imprévisible, passionné ; il dort très peu, devient incontrôlable et fait vivre l’enfer au quotidien à Leila autant qu’à leur petit garçon Amine. Lafosse le filme au plus près, en très gros plan, tandis qu’il peint. Damien Bonnard qui a été l’assistant de la peintre bruxelloise Marthe Wéry, a un geste juste et sobre qui évite au film de tomber dans la caricature du peintre inspiré. Leila, en plus de sa profession de restauratrice de meubles, s’occupe de tout dans la maison. Elle poursuit Damien pour qu’il prenne son lithium et l’on voit progressivement sa patience et son amour se fissurer devant les frasques de son mari. Elle est exténuée, sur tous les fronts, veille jour et nuit sur lui au détriment de l’attention qu’elle se doit à elle-même. Les scènes de crise se succèdent mais sans pathos. Tout passe essentiellement par le regard profond de Leila, magnifiquement interprété par Leila Bekhti, toute en retenue et sobriété, malgré une scène salutaire où elle explose enfin.

Un film déchirant, parfois sur le fil du rasoir mais qui ne tombe jamais dans la caricature ou la description sèche d’une maladie. 

Marie-Jeanne Campana

Fiche technique 
Réalisation : Joachim Lafosse.
Scénario : Juliette Goudot et Anne-Lise Morin.
Musique : Olafur Arnalds et Antoine Bodson.
Photographie : Jean-François Hensgens.
Montage : Marie-Hélène Dozo.
Distribution France : Les films du Losange.
Avec : Leila Bekhti (Leila) ; Damien Bonnard (Damien) ; Gabriel Merz Chammah (Amine) ; Patrick Descamps (le père).

 

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