En vacances les dix commandements ?

Tu ne convoiteras pas la maison de ton voisin… ni sa piscine © Nicolas Renaud

Comme chaque année, magazines, revues et journaux rivalisent d’articles et de conseils pour nous permettre de réussir les mois d’été. Les sujets traitent de sport, psychologie, beauté, bronzage, bricolage, randonnée… Les auteurs de ces conseils judicieux déploient des sensibilités aussi diverses que leurs centres d’intérêt. Pourtant, une idée formelle dans la rédaction des titres ou des textes est commune à beaucoup d’entre eux : l’allusion aux dix commandements.

Les dix commandements du bronzage parfait, les dix commandements de la sécurité en montagne, les dix commandements du maître responsable d’un chien en vacances, les dix commandements pour faire des conquêtes. En bref, les dix commandements DES vacances.
Mais même galvaudée ou moquée, une idée commune n’est pas forcément totalement mauvaise. Il suffit parfois d’une petite variation de syntaxe pour qu’elle permette une réflexion sur les dix commandements ET les vacances.

Le Décalogue

A-t-on envisagé ce texte fondateur sous tous ses éclairages circonstanciels ? Sous l’éclairage du soleil d’été et même sous l’éclairage d’un temps voué à la légèreté ? Les commentaires qui suivent sont subjectifs, parcellaires, anecdotiques, parfois désinvoltes : des chemins en pointillé proposés à partir du texte du chapitre 20 de l’Exode, reçu sur une montagne, écrit sur les pistes du désert. À vivre aussi sur les autoroutes du petit exode estival puisque l’on pourrait traduire le mot grec « exode » par « la route du départ ».

Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face

Avec ce commandement, on rentre dans le vif du sujet. C’est le premier susceptible d’être profondément transgressé dans le contexte de notre époque, celui de la société de loisirs. « Je vais où je veux, je fais ce que je veux, quand je le veux… », une attitude qui finit par faire accroire que je suis mon propre dieu ou que ma fantaisie est mon dieu ou que je le vaux bien parce que mon argent me permet de le faire. Ni la presse ni la mode ne me freineront, puisqu’elles me prônent sans cesse que le dieu central des vacances est mon ego ou mon corps passant d’objet d’attention à celui d’objet de culte. Un autre dieu se lève sur l’été : le soleil. Un éthologue martien observant nos exodes annuels vers le Sud et nos rites plagiques en conclurait aisément que le soleil est l’un de nos plus grands dieux. Et ne verrait comme évolution d’un paganisme millénaire que la perte de talent à construire des pyramides !
Hors de propos cependant de ne pas dire que le soleil est beau, bon et souvent magnifique. Mais la louange de Dieu « qui a créé le ciel et la terre » est autrement plus riche.

Tu ne te feras pas d’images taillées et tu ne te prosterneras pas devant elles

L’image taillée a bien évolué ces dernières décennies. Il faudrait aujourd’hui parler plutôt d’images animées, manufacturées, technologiques. Mais l’instinct de la prosternation demeure : devant ma voiture, mon jet-ski, mon ordinateur, mon smartphone.
À ce propos, les mois d’été ne sont-ils pas l’occasion d’apprendre à domestiquer notre passion des écrans au profit du plaisir des jeux, de la promenade, de la rencontre, du silence. Devons-nous sans cesse regarder des images ou vivre un temps déconnectés ? Qui fixe le mieux un bel instant, si ce n’est la rétine de l’œil, les neurones du cerveau et le cœur qui s’émeut ?

Tu ne prendras point le nom de l’Éternel en vain

Inutile de rappeler que ce n’est pas bien de jurer… Mais prier, par exemple, « mon Dieu, pourvu qu’il fasse beau demain… » alors que toute la région et que toutes les cultures souffrent de sécheresse, pourrait bien ressembler à un défaut de foi, de confiance et d’amour pour les autres.

Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier

Trois jours, trois semaines ou trois mois de repos sont-ils tous constitués de dimanche ? Ils abolissent les lundis, c’est déjà beaucoup ! Le temps doit-il pourtant s’effilocher, couler comme du sable entre les doigts, livré à lui-même ?
Se souvenir du jour du Seigneur et le sanctifier, c’est renouer avec le rythme. Et comme le rythme des mots fait la poésie, le rythme des lignes fait l’œuvre d’art, le rythme du temps fait la prière et la louange. Des auteurs le disent depuis la toute première Antiquité : le rythme est d’essence divine. Alors, allez au culte le dimanche et faites la grasse matinée le lundi !

Honore ton père et ta mère

Peu de périodes dans l’année prédisposent autant à observer ce commandement. Aller voir ses parents est un plaisir attendu, mais ce plaisir nécessite du soin, de l’attention et de l’amour : éviter les fatigues aux plus âgés, mais aussi oublier les rancœurs, les mesquineries et même simplement les petits moments de mauvaise humeur.
C’est aussi un moment privilégié pour ne pas oublier, aller voir ou soutenir ceux qui sont seuls et qui sont tristes.

Tu ne tueras point

On peut supposer que personne parmi nous n’a d’envie de meurtre… Mais éviter de tuer, c’est aussi avoir la conscience aigüe de la sécurité des autres : éviter les comportements à risques sur la route, en montagne, en mer, c’est maîtriser son égoïsme, sa vanité et sa présomption. C’est simplement aimer.

Tu ne commettras point d’adultère

Point n’est besoin de s’appesantir sur ce commandement. Si ce n’est pour noter que certaines addictions aux écrans peuvent dangereusement s’en rapprocher.

Tu ne déroberas pas

Peut-on faire une exception pour la confiture dans le placard des grands-parents ?

Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain

Là, c’est comme le reste de l’année… Si ce n’est, pour ceux qui restent travailler, de ne pas en profiter pour nuire à ceux qui sont partis en vacances ! Vous avez des idées ? Éviter de laisser des avis outranciers et des commentaires vengeurs sur les sites internet et sur les réseaux sociaux, peut-être.

Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain

… ni sa piscine, ni sa résidence secondaire, ni ses voitures, ni… Ce qui n’empêche pas de s’y intéresser, de les admirer, de s’en réjouir tout en n’oubliant pas de regarder vers le bas plutôt que vers le haut : tant de personnes ne partent pas en vacances !
Car la convoitise a un très gros inconvénient : elle rend aveugle à ce qu’on a soi-même et empêche totalement d’en rendre grâce et de louer le Seigneur, pour soi et pour les autres.

Alors, de tous ces commandements, quel est le plus grand ?

Même vus par ce petit bout de la lorgnette, les dix commandements trouvent toujours leur résolution dans la parole de Jésus : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second qui lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même » Matthieu 22.35-40.

Sophie de Mazenod et Éric Trocmé
Journal Parole protestante en Basse-Normandie

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