La laïcité en questions

© falco de Pixaba

En janvier, la région Ouest de l’Église protestante unie de France a proposé sous forme de webinaire une formation Théovie sur le thème « La laïcité est-elle contre les religions ? ».

Théovie, pour ceux qui ne le savent pas (encore !), c’est le service de formation théologique (gratuit !) de notre Église, conçu au départ pour des publics éloignés des facultés de théologie. Une sorte de CNED (Centre national d’enseignement à distance) ecclésial qui s’est emparé du numérique, gagnant ainsi en interactivité. Mais même si le recours à Internet abolit les frontières, s’est ressenti néanmoins le besoin de constituer des groupes géographiquement proches, donc susceptibles de se rencontrer ultérieurement et de partager leurs réflexions. Ainsi, la vingtaine de personnes qui se sont réunies quatre fois de suite en « visio » sous la houlette du pasteur Lilian Seitz (EPU de Vendée-Sud) ont offert un visage de la région Ouest, entre métropoles urbaines et campagnes profondes, de la Loire aux Charentes. Une forte majorité de retraités souvent engagés, une parité hommes – femmes (même si ces dernières prennent moins la parole), des profils venus d’ailleurs à l’image de la diversité de notre Église.

Une laïcité inquiète

Le fil conducteur était le schéma proposé par le module de Théovie articulé en trois thèmes : « Un mot à histoires », « Dieu serait-il laïque ? », « Pour apprendre à vivre ensemble ». Mais les tours de table – pardon, d’écrans – pour indiquer les motivations des participants disent une laïcité inquiète et pas seulement depuis le meurtre de Samuel Paty. La montée des intégrismes, la frilosité de l’Éducation nationale pour aborder sereinement le fait religieux, le sentiment que témoigner de sa foi devient incongru en dehors du cercle intime et de l’Église, les difficultés du dialogue interreligieux avec l’Islam sont tour à tour évoqués ; mais surtout transparaît dans ce milieu de protestants « historiques » le sentiment que la laïcité n’est plus cet allié naturel permettant le vivre-ensemble de fois religieuses diverses, mais de plus en plus un « totem » invoqué pour cantonner aux lisières de l’espace public des religions perçues comme hostiles par essence aux principes de la République. D’où la nécessité de revisiter cette fameuse loi de 1905, dont le protestantisme français se sent, non sans raisons, le parrain historique, afin de comprendre pourquoi ce même protestantisme émet de fortes critiques sur l’actuel projet de loi promu par le gouvernement pour lutter contre le séparatisme.

Une spécificité à la française

Au-delà des documents proposés par Théovie et le pasteur Seitz, l’apport des témoignages des participants sur la situation dans d’autres pays (Royaume-Uni, Canada, Afrique…) souligne – et c’est une nécessité – la spécificité de la laïcité « à la française », qui aurait tout à gagner à s’ouvrir, plutôt de devenir un camp retranché idéologique, ce qui n’a jamais été l’intention des législateurs de la loi de 1905.
Les participants au module ont pu bénéficier d’un bonus, à savoir une quatrième séance avec la participation du pasteur Michel Bertrand, ancien président du Conseil national de l’Église réformée de France et professeur de théologie pratique à la faculté de théologie de Montpellier. Un second article essaiera de rendre compte de cet apport aussi enrichissant que fécond.

Jean Loignon

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