La femme qui s’est enfuie

Film

Cette critique a été aimablement fournie par notre partenaire, l’association Pro-Fil.

Réalisation : Hong Sang-Soo

République de Corée, 2020, 77 min

Biographie

Hong Sang-soo , né en 1960 est un réalisateur, scénariste et producteur sud-coréen. Il fait des études à Séoul puis aux États-Unis. Il vit également un an en France. Réalisateur très prolixe il a réalisé depuis 1996 vingt-cinq films. Il est le cinéaste du quotidien des jeunes Coréens, des relations de couple conflictuelles. Très souvent sélectionné dans les festivals internationaux, notamment à Cannes, il y a obtenu des récompenses. La Femme qui s’est enfuie a reçu l’Ours d’argent du meilleur réalisateur à la Berlinale 2020.

Résumé

Pendant que son mari est en voyage d’affaires, Gam-hee rend visite à trois de ses anciennes amies. À trois reprises, un homme surgit de manière inattendue et interrompt le fil tranquille de leurs conversations….

Analyse

Dans ce 25e film de Hong Sang-soo il ne se passe apparemment rien. Des conversations banales à table sur les mérites de la viande grillée, sur le paysage, l’importance des animaux, des conseils de santé, des confidences sur les déboires amoureux et les désillusions, au cours desquelles on mange bien et beaucoup. Pourtant c’est un film très attachant qui dégage une sérénité, une douceur dans laquelle on se laisse facilement glisser. Au fil de ces conversations du quotidien se dévoilent des femmes qui portent les blessures de leur vie essentiellement dues à leurs rapports difficiles aux hommes. Des hommes singulièrement absents qui apparaissent à trois reprises dans le film, minables, ridicules, fatigants, perturbateurs et filmés de dos ou de trois quarts. Il se dégage des rencontres entre Gam-hee et ses trois amies une sororité bienveillante et complice. Ses amies se racontent facilement mais, elle, ne dit pas grand-chose. Elle répète seulement par trois fois que c’est la première fois depuis cinq ans qu’elle est séparée de son mari qui veut toujours rester près d’elle. Bien que déclamée avec douceur on a l’impression que cette possessivité n’est pas tout à fait à son goût et à trop répéter son propos, elle fait qu’on finit par douter de sa sincérité. Vient alors à l’esprit une question : qui est la femme qui s’est enfuie ? la voisine dont parle rapidement une de ses amies, comme un ragot, qui a abandonné mari et fille et que l’on ne voit jamais, ou Gam-hee ? ou bien toutes ses amies qui fuient leur échec sentimental ? Le réalisateur laisse la question ouverte. Gam-hee fuirait-elle une relation trop terne ? Ce n’est qu’en toute fin de film qu’on perçoit ses blessures, à elle qui jusqu’à présent avait l’air lisse et bien dans son couple. Sa troisième amie a épousé un écrivain qu’elle a autrefois aimé. Dans le café Emu du centre culturel dont son amie a la charge et où elle est venue voir un film, elle tombe sur cet écrivain. S’est-elle remise de leur séparation ? Après un échange peu aimable, Gam-hee s’en va mais se ravise et revient voir le film qui présente à l’écran le flux et le reflux des vagues sur le sable, (des images tirées de la dernière scène du film Woman on the Beach, 2008), comme pour calmer ses émotions.

Un film tout en douceur, en mélancolie indéfinissable, qui tire sa grâce et sa beauté d’une forme d’épure d’une grande sobriété.

Marie-Jeanne Campana

Fiche technique 
Réalisation, scénario, musique, production, montage : Hong Sang-soo.
Photographie : Kim Sumin.
Distribution France : Les Bookmakers / Capricci Films.Avec :  Kim Min-hee (Gam-hee) ; Seo Young-hwa (Young-soon) ; Seabyuk Kim (WOO-jin) ; Song Seon-mi (Su-young) ; Kwon Hae-hyo (l’écrivain).

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