Lecture de la Bible, une échelle à plusieurs degrés

 En fonction du type de lecture qu’on en fait, la Bible fonde une compréhension du monde, de la spiritualité personnelle, des appartenances religieuses.

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À l’image de l’échelle de Jacob faisant le lien entre le monde de l’Homme et le monde de Dieu (Genèse 28), chaque lecture a une résonnance sur l’un des échelons de la spiritualité. Or une échelle est comme une chaîne, sa solidité se mesure à son échelon le plus fragile. Les Hébreux pensaient qu’il existait plusieurs lectures, s’excluant parfois l’une l’autre, mais donnant ensemble la force du texte. Voici quelques niveaux possibles de méditation des textes.

Approche littérale

C’est écrit, et c’est ainsi qu’il faut le lire. Le lecteur ne se pose pas la question de la véracité ou de la symbolique du texte, mais comprend ce qui est écrit. Dans le récit de Jacob, si les anges montent et descendent le long de l’échelle, cela peut signifier que nous n’avons pas à aller vers Dieu. Nous devons simple- ment le louer pour cette relation. Accu- sée à tort de fondamentalisme, cette lecture est essentielle à la vie sociale et spirituelle car elle place l’Écriture comme règle de la vie et de la foi.

Approche littéraire

Puisque le texte est construit, la syntaxe montre l’important. Cette lecture demande une connaissance des styles, des racines des mots, des structures littéraires. Pour elle, le texte reflète une pensée et une volonté de témoignage. Critiquée pour le risque d’aridité de son étude, elle nourrit cependant la réflexion, qui est l’un des niveaux de la spiritualité.

Approche historique

Proche de la lecture littéraire à laquelle elle est souvent combinée, la démarche historique saisit les enjeux du texte à travers son contexte géopolitique et culturel. Accusée parfois de relativisme par son risque d’une lecture idéologique actualisante, elle permet néanmoins au lecteur de s’identifier aux récits et d’interroger sa foi présente.

Approche symbolique

Il n’est plus là question de littérature, mais de corrélation entre des images et des réalités. L’échelle de Jacob peut être associée à un lien de parole entre Dieu et l’Homme, donc devenir symbole de la prière. Dans la prière, l’Homme reçoit alors de Dieu une Parole pour le monde et fait monter vers Dieu sa louange ou son inter- cession. Soupçonnée tour à tour de récupération ou de désincarnation, la lecture symbolique peut cependant soutenir et orienter la foi. Très pratiquée en théologie, elle propose des transpositions permettant une actualisation pertinente.

Approche existentielle

Elle consiste par exemple à s’identifier aux différents éléments du récit. Quand se trouve-t-on être Jacob recevant une Parole ? À quelle occasion sommes-nous l’échelle qui permet de passer cette parole à d’autres ? Cette lecture peut inquiéter, tant le manque de cadre théologique qu’elle semble nécessiter peut induire une foule d’interprétations. Mais cette approche, très prisée du monde hébraïque, ne trouve sa légitimité que dans la cohérence avec les autres textes. Elle peut soutenir une pratique spirituelle de grande portée.

Approche du dernier niveau

Contenue dans la littéralité de la Bible, cette approche considère le souffle dans l’espace entre les lettres, le silence entre les mots. Elle suit la respiration de Dieu vers l’Homme, totalement insondable à nos consciences. Pour- tant, les traditions anciennes la considèrent comme un sommet de la relation avec Dieu, le creuset de l’âme. Inconnue dans les habitudes modernes, connaître son existence permet néanmoins de prendre conscience que l’Homme n’est pas Dieu et d’accepter que la toute-puissance ne soit pas humaine.

Chaque lecture induit des types de théologies, de spiritualité ou de consciences de l’Église. Seule leur juxtaposition donne au texte toute sa vie.

David Steinwell

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