Benni (Systemsprenger)

Film

Cette critique a été aimablement fournie par notre partenaire, l’association Pro-Fil.

Réalisation : Nora Fingscheidt

Prix du jury œcumenique Kiev 2019

Allemagne, 2019, 118 min

Biographie

Nora Fingscheidt née en 1983 est une réalisatrice et scénariste allemande. De 2009 à 2017 elle réalise des courts métrages et documentaires. Son premier long métrage, Benni (Systemsprenger) a reçu le prix Alfred Bauer (l’équivalent de l’Ours d’argent) à la Berlinale 2019. Lors de la 70e cérémonie du Deutscher Filmpreis en 2020, Benni a remporté huit prix dont ceux du meilleur film, de la meilleure réalisation, du meilleur scénario et trois prix d’interprétations.

Résumé

Portrait déchirant d’une petite fille en mal d’amour maternel qui exprime dans une violence inouïe sa rage et son désespoir.

Analyse

Pour son premier long métrage Nora Fingscheidt choisit de raconter l’histoire poignante et angoissante d’une enfance massacrée. Benni, une petite fille d’une dizaine d’années, crie sa détresse, sa rage, dans des accès de fureur proches de la démence, avec une violence terrifiante envers elle-même et les autres. Souffrance insupportable de ne pas être suffisamment aimée par une mère incapable de la prendre auprès d’elle car malgré son amour pour sa fille, elle n’arrive pas à l’assumer. Benni n’a pourtant qu’un seul besoin qui la guérirait de tous ses maux, être aimé comme toutes les petites filles de son âge par sa mère, c’est-à-dire être reconnue et considérée. Ballottée de foyers en foyers, de familles d’accueil en chambre psychiatrique, elle est incontrôlable. Trop violente pour les centres spécialisés pour jeunes de son âge mais pas suffisamment âgée pour les structures adaptées qui sauraient canaliser ses crises nerveuses. Elle terrorise tout le monde, casse tout ce qu’elle peut autour d’elle, et s’enfonce dans cette spirale de violence qui la conduit à des comportements psychopathiques. Crises particulièrement aigües lorsque quelqu’un, sa mère exceptée, lui touche le visage ; traumatisée parce qu’on aurait voulu l’étouffer avec ses couches lorsqu’elle était bébé.

Malgré ce sujet sombre ce film est plein d’espoir. Nora Fingscheidt nous donne à voir le travail remarquable que mènent les services sociaux auprès de ces enfants en grandes difficultés. Benni est très attachante ; elle peut être tendre et joyeuse et ne manque pas d’amour ; celui de la « mère » de la famille d’accueil, celui d’une merveilleuse assistante sociale, Madame Rafané, qui ne désarme jamais, celui surtout de Micha, un jeune éducateur qui va tenter avec elle une expérience radicale : trois semaines seul à seule en forêt. Expérience qui se déroule parfaitement sauf que Benni, assoiffée d’amour, va reporter ce manque sur Micha en venant se blottir dans son lit et en lui demandant d’être son père.

La réalisatrice a l’intelligence de ne porter aucun jugement de valeur. Elle nous montre seulement avec une grande sensibilité et une justesse de ton, les ravages que peuvent provoquer chez les enfants les carences affectives, allant jusqu’à les détruire. Un bémol toutefois. Nora Fingscheidt abuse un peu de certains effets hyperboliques pour traduire le ressenti de Benni, alors que l’exceptionnelle interprétation de la jeune Helena Zengel se suffit à elle-même.

Marie-Jeanne Campana

Fiche technique

Réalisation et scénario : Nora Fingscheidt – Musique : John Gürtler – Photographie : Yunus Roy Imer
Montage : Julia Kovalenko et Stephen Bechinger
Distribution France : Ad Vitam.
Avec : Helena Zengel (Benni), Albrecht Schuch (Micha, l’éducateur), Gabriela Maria Schmeide (Mme Rafané), Lisa Hagmeistere (la mère de Benni).

 

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