L’influence du jeune Luther sur l’anabaptisme*

Diffusion de l’anabaptisme (1525-1550) © Maximilian Dörrbecker (Chumwa) – CC BY-SA 2.0

Le courant anabaptiste se développe parallèlement aux réformes inspirées par Luther et par Zwingli, notamment dans l’aire alémanique et les pays du Rhin. Bien que le principal point de divergence concerne la question du sens du baptême, d’autres caractéristiques séparent l’anabaptisme des courants luthériens et réformés. L’anabaptisme a pu s’inspirer de Luther avant 1525, ensuite les chemins se séparent1.

Longtemps l’Église a affirmé que les enfants morts sans être baptisés seraient exclus du salut en Christ. Luther rompt avec cette conception au nom de la justification par la foi, tout en restant profondément attaché au baptême des enfants.

Justification par la foi et baptême

Certains de ses écrits ont néanmoins contribué à une remise en question du baptême obligatoire de tous. Sans le vouloir, il participe à la naissance de l’anabaptisme avec des phrases comme celle-ci : « La force du baptême, en effet, n’est pas tant située dans la foi de celui qui le confère que dans la foi de celui qui le reçoit, ou dans l’usage qu’il fait du baptême. »
Ainsi, la pensée anabaptiste partagera avec Luther l’importance fondamentale de la justification par la foi. Cependant, la compréhension différente de la foi consciente dans l’anabaptisme aboutira à une tout autre logique à propos du baptême. C’est à partir d’une foi suscitée par la prédication de l’évangile et d’une réponse personnelle à la grâce de Dieu que le baptême doit être administré.

Rôle de l’Église locale

Une deuxième impulsion luthérienne reprise par l’anabaptisme concerne la manière de concevoir l’Église. Luther propose une doctrine de l’Église qui attribue à la paroisse locale le droit de juger de la théologie qui y est enseignée et de choisir elle-même son pasteur. Cette pensée se répand rapidement par un pamphlet rédigé en 1523.
Cette perspective, largement partagée à l’époque, sera l’une des inspirations pour ce qui deviendra le soulèvement paysan en 1524-1525. Les paroisses campagnardes avaient envie de gérer leur propre vie religieuse. Luther changera d’avis, mais l’anabaptisme suisse de Schleitheim (1527) maintiendra cette perspective dans sa conception de l’Église : « […] (le pasteur) doit être soutenu là où il aurait des besoins, par l’assemblée qui l’a choisi […] ».

Comment traiter l’hérésie ?

Un troisième exemple d’influence concerne la question de l’hérésie. Ayant été désigné hérétique très tôt, Luther formule en 1523 sa conception de la façon dont l’Église devrait y faire face, c’est-à-dire sans recours à la punition temporelle. « L’hérésie est une réalité d’ordre spirituel qu’on ne peut frapper avec le fer, ni brûler avec le feu, ni noyer dans l’eau. Seule la Parole de Dieu est à la disposition, elle seule y réussit. »
Cette même position trouve écho chez l’anabaptiste Balthasar Hubmaier lorsqu’il cherche asile à Schaffhouse en 1524 et rédige son propre traité sur l’hérésie. « Un Turc ou un hérétique ne peut être vaincu ni par nos actes, ni par l’épée ou le feu. C’est seulement avec patience et supplication, en attendant patiemment le jugement de Dieu. »
Ce positionnement sera celui des anabaptistes. La discipline ecclésiale ne relève ni de l’État ni de la punition corporelle, mais de la mise en pratique de la procédure indiquée dans l’évangile de Matthieu (18.15-20). Malheureusement, Luther changea d’avis et des anabaptistes l’ont payé de leur vie. Il a fallu attendre notre époque pour qu’un véritable dialogue ait lieu. n

Neal Blough

1 D’après un article de Neal Blough, L’influence du jeune Luther sur l’anabaptisme, publié dans Christ Seul, le 24 septembre 2016

* Cet article fait partie du numéro spécial édité par Le Protestant de l’Ouest en 2017, à l’occasion des 500 ans de la Réforme.

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